Message original : Jolie-Joad
Bon, à la demande de Cl_Cl_, je vais mettre mon paragraphe sur Muse ; je le condense un peu pour garder le plus important et pour pouvoir écrire
d’autres choses après, en réaction à ce que vous avez dit il y a peu :
Pour moi qui me suis mise à écouter de la musique classique, surtout lorsque j'ai reconnu un passage de "Space Dementia" (chanson de Muse) dans le
Concerto pour piano n°2 de Rachmaninoff, il est plus qu'évident que Matthew Bellamy s'inspire des grands compositeurs classiques pour ses propres
compositions. A part pour "Space Dementia" il ne reprend pas directement des passages ; mais dans la façon d'enchaîner des mouvements très différents
dans une même chanson, d'intégrer sa voix dans ses compositions comme s'il s'agissait d'un instrument parmi tant d'autres (limite on se fout des
paroles, certaines devenant incompréhensibles selon sa façon de chanter), dans sa manière de jouer du piano bien sûr, ou même de la guitare quand on
voit toutes les mélodies qu'il arrive à produire avec sa gratte uniquement, et le style de mélodie surtout, ou même dans sa façon d'inclure, sans en
avoir l'air, un thème principal dans ses chansons, un thème noyé parmi d'autres mouvements mais qui revient, au point que chaque chanson a son propre
thème malgré toutes les notes qu'on peut y entendre... Toutes ces façons de procéder, si différentes des manières des autres groupes, rappellent la
musique classique et fait penser à du classique version très rock. Ils ont créé un style de rock à part, tout le monde n'arrête pas de le dire, et je
pense que c'est de ce côté-là qu'il faut chercher, du côté de l'influence évidente de la musique classique sur ce trio rock guitare/basse/batterie...
Le fait qu'ils ont été tentés pendant un moment de faire leur cinquième album avec une seule très longue chanson est un autre exemple de cette
influence.
Attention, qu’on ne me dise pas : « Mais tout ce que tu as dit, on le retrouve dans d’autres groupes ». J’ai parlé de « façons » de faire, de «
manières », pas de véritables concepts. Bien sûr, il y a généralement un air principal pour chaque chanson que nous connaissons, bien sûr,
généralement, la voix du chanteur produit un air musical particulier (généralement hein…)… Mais Muse, ou en tout cas Matt Bellamy qui fait à peu près
tout le boulot, s’y prend différemment… Prenons l’exemple de la voix. On va retrouver des groupes qui donnent une grande importance aux textes et ça
se sent dans la façon de chanter (c’est tout à leur honneur d’ailleurs, j’aime beaucoup les chansons à textes), ils manieront précieusement leurs
paroles, ne les chanteront pas n’importe comment, voire ne les chanteront pas du tout ; on va trouver des chanteurs qui gueulent, des chanteurs qui
n’ont pas une voix faite pour produire de belles mélodies mais qui font avec, des chanteurs qui auront l’air d’être là juste pour poser leur texte sur
la musique et ensuite partir prendre un café le temps du solo, des chanteurs qui assumeront tout à fait le fait d’avoir une voix humaine et pas un
instrument de musique. On peut trouver des trucs excellents parmi ces divers types de chanteurs, je ne le nie absolument pas, j’ai des goûts musicaux
assez variés de toute façon.
Mais le chanteur de Muse (toujours ce fameux Matthew Bellamy donc) a une façon très particulière de chanter et surtout d’incorporer sa voix dans son
œuvre. On sent qu’il se sert de sa voix comme d’un instrument de musique qui à certains moments prendrait le dessus sur les autres instruments
présents dans ses compositions. Là on voit l’influence de la musique classique, car, si je ne me trompe pas, le violon, extrêmement important, est
l’instrument censé se rapprocher le plus des capacités de la voix humaine (genre, quand on fredonne l’air d’un concerto, il est plus facile de
reproduire à haute voix la mélodie des violons que celle du piano par exemple). On peut imaginer parfois quelqu’un chanter à la place des violons. Et
ça, Matthew le sait et s’en inspire quand il fredonne un air avec d’autres instruments pour l’accompagner. La preuve avec « Space Dementia » toujours,
où il reprend un petit peu l’air des violons d’un concerto de Rachmaninoff… avec sa voix ! Réciter ses textes, par ailleurs plus énigmatiques que la
plupart des textes des groupes populaires anglais actuels (les Anglais sont pas ultra réputés pour l’originalité de leurs paroles, contrairement aux
Français), ce n’est pas ce qu’il y a de plus important pour lui. Ses textes et sa voix qui les récite font partie d’un tout et doivent fusionner avec
ce tout, accompagner et être accompagnés par ce tout. Il doit être un instrument parmi d’autres, d’où certaines de ses performances vocales : une voix
beaucoup plus aiguë pour « Supermassive Black Hole » se rapprochant du son d’une guitare électrique, les « Aaaaahaaahaaaaahaaaaaaaaaaa » au début de «
Knights of Cydonia » qui ne servent à rien d’autre qu’à produire la même mélodie que les trompettes qui sont derrière, sa voix multipliée par trois
dans la même chanson, comme trois mêmes instruments jouant le même air de façon plus ou moins aiguë, les « Ooooooooooh » à la fin de « Feeling Good »
qui sont là pour produire un petit air musical en plus avant la fin de la chanson (et produire un tel air avec sa voix, c’est splendide), comme on le
ferait avec un instrument de musique… J’en passe plein des exemples, et des meilleurs : « Citizen Erased » par exemple, magnifique puisqu’on pourrait
remplacer tout le long de la musique la voix de Bellamy par un violon, ce qui provoque d’ailleurs une émotion particulière…
Bon je vais m’arrêter là, même s’il y aurait encore beaucoup à dire. Je vais conclure en disant que la remarque de kuredent faite à Efreet n’est pas
totalement dépourvue de sens. Enfin c’est pas une histoire d’être musicien ou pas. Plutôt d’être sensible à certaines choses ou pas, d’avoir certains
goûts plus prononcés que d’autres. Connaissant les goûts d’Efreet pour le blues et le jazz, où la musique se fait dans l’instant, où il n’y a pas de
mélodie bien cadrée comme dans la musique classique, et où ce sont donc d’autres émotions qui passent, pour des groupes style Dire Straits (bon vieux
rock) ou style Eluveitie (EPIC ) et pour des dieux de la gratte pas forcément
reconnus pour leurs voix ; et ayant écouté et réécouté Tool pour Clèm’, je dirai qu’ils ont tous deux du mal avec le côté classique de Muse, que chez
eux ça ne provoque rien, aucune émotion, alors que ce n’est pas le cas pour d’autres. C’est tout. Je n’ai pas fait ce post pour convaincre les
détracteurs de Muse. Mais plus pour leur expliquer ce à quoi on est sensible quand on écoute ce groupe (enfin moi en tout cas je suis sensible à ce
que j’ai énuméré et décrit plus haut). Et peut-être aussi pour leur faire comprendre que comparer Muse à Tokio Hotel, c’est franchement un raccourci
aynorme qui n’a même pas lieu d’être (trouvez-moi quelqu’un qui puisse analyser les musiques de Tokio Hotel comme d’autres pourraient, encore mieux
que moi, analyser les compositions de Muse…)… |